La pile à combustible semble, aujourd’hui, la technologie la plus adaptée au remplacement des locomotives diesel sur des voies non électrifiés. La France va s’engager avec force dans cette voie : la SNCF et Alstom viennent d’annoncer de grands investissements dans le train à hydrogène. Objectif : répondre aux demandes du gouvernement, et en finir avec les locomotives diesel à horizon 2035.

De tous les modes de transport, le ferroviaire est l’un des moins polluants. Il est en effet largement électrifié, et même ses turbines diesel produisent moins de CO2, comparativement, qu’une automobile, un camion, un bateau ou un avion.

Remplacer les turbines diesel pour verdir le transport ferroviaire

Pour autant, le train veut lui aussi se mettre au vert. Le développement des sources d’électricité renouvelables va rendre de plus en plus propres les locomotives à propulsion électrique. Et ce d’autant plus que leurs consommations sont largement prévisibles et donc pilotables dans le cadre d’un smart grid.

Pour les locomotives diesel, circulant le plus souvent sur des voies non électrifiées, la donne est différente. En la matière, une technologie mature existe, déjà opérationnelle en Allemagne, et qui ne demande qu’à se généraliser au monde entier – à commencer par la France : le train à pile à combustible – ou train à hydrogène.

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La première locomotive à hydrogène est une création française

Le constructeur français Alstom a ainsi conçu la première locomotive à hydrogène, la Coradia iLint : « L’hydrogène, contenu dans des réservoirs, se combine à l’oxygène de l’air dans la pile à combustible. La réaction produit d’une part, l’électricité qui alimente le train et d’autre part, de l’eau rejetée dans l’atmosphère », expose Stefan Schrank, qui dirige ce projet pour Alstom.

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Le train dispose également de batteries pour stocker l’électricité produite en surplus par la pile à combustible – elles peuvent également récupérer l’énergie cinétique du système de freinage. La Coradia iLint est testé depuis mi-septembre sur la ligne Cuxhaven-Bremervörde en Allemagne, mais 64 trains de ce type ont été commandés et seront opérationnels à partir de 2021 outre-Rhin.

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Vers la fin du diesel ferroviaire à l’horizon 2035 ?

La France ne veut pas être en reste de cette avancée technologique, et la SNCF et Alstom ont, chacun de leur coté, fait des annonces choc en ce sens mi-novembre 2018. Rappelons que le gouvernement a fixé 2035 comme date limite de l’utilisation du diesel dans le transport ferroviaire.

En France, 20% des trains en circulation utilisent des turbines diesel, ce qui représente tout de même 3 500 locomotives, essentiellement sur des lignes TER. La SNCF a décidé de remplacer le plus rapidement possible ces turbines par une alternative moins polluantes. Trois solutions ont été envisagées.

Le choix de l’hydrogène, comme une évidence pour le PDG de la SNCF

La première consistait à électrifier l’ensemble des lignes du réseau. Cette solution a été rejetée car elle représentait un investissement trop élevé pour des lignes souvent peu usitées. A un million d’euros le kilomètre, « ce serait une dépense complètement excessive  », a jugé le PDG de la SNCF, Guillaume Pepy.

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La seconde était de basculer vers des locomotives hybrides, une solution plus mature que l’hydrogène. Mais la SNCF a jugé que, devant l’ampleur de l’investissement demandé, autant payer un peu plus cher et miser sur une technologie beaucoup plus verte.

C’est donc la troisième option qui a été validée, celle de remplacer ces 3 500 turbines par des locomotives à pile à combustible. La SNCF s’est décidé à « s’y engager à fond, parce que c’est une vraie solution : si vous avez un train à traction hydrogène, vous pouvez faire 300, 400, 500 kilomètres » détaille Guillaume Pepy.

2019, année de commande des prototypes

La SNCF a également présenté le calendrier de déploiement, sans ignorer les défis techniques, de production et organisationnels que posent une telle révolution. L’entreprise finalise le cahier des charges auquel devra répondre ce train, en prenant en compte les spécificités du réseau ferroviaire français. Cette conception devrait être achevée début 2019. La commande des premiers prototypes seront passées à l’été 2019, très probablement à Alstom.

La livraison des premières locomotives est programmée pour 2022. Quant au remplacement des 3 500 trains, il devrait être achevé entre 2034 et 2039, d’après Guillaume Pepy. Le patron de la SNCF se montre prudent, et légèrement en retrait des objectifs gouvernementaux ; mais il rappelle que le premier calendrier proposé tournait aux alentours de 2050 pour la fin du diesel ferroviaire.

Alstom a besoin d’un maximum de commandes régionales

Parallèlement à l’annonce de ce plan, Alstom a présenté, la semaine suivante, la version française de sa Coradia iLint. Il s’agit d’un modèle bimode, hydrogène et électrique, pour lui permettre de circuler tant sur les lignes électrifiées que sur les lignes traditionnelles.

Cela laisse supposer que le train à hydrogène adapté au matériel français, que la SNCF voulait prendre encore quelques semaines pour concevoir, existe déjà – du moins dans les plans du groupe industriel français ! De quoi prendre un peu d’avance sur le calendrier annoncé par Guillaume Pepy ?

En tout état de cause, Alstom souhaiterait qu’un maximum de régions françaises lui commandent dès maintenant au moins un prototype pour pouvoir le tester sur leurs lignes TER dès que possible. C’est indispensable pour tenir les objectifs fixés par le patron de la SNCF (fin du diesel entre 2034 et 2039) : «Pour être prêt à ce moment-là, il faut que la technologie hydrogène ait infusé dans l’écosystème ferroviaire, de manière à ce que tous les acteurs (…) puissent être confiants sur le fait que c’est la technologie de remplacement du diesel» expose Olivier Delecroix, le directeur commercial d’Alstom France.

Naissance d’une aventure industrielle made in France

Pour tenir ces délais, Alstom a signalé avoir besoin d’un engagement « significatif » sur l’achat d’une « trentaine » de prototypes. Dans l’idéal, il faudrait que cette commande soit confirmée durant le premier trimestre 2019. Bonne nouvelle : à part l’Île-de-France, toutes les régions de France se sont déclarées intéressées.

Nous ne sommes qu’au tout début, mais tout porte à croire que nous assistons à la naissance d’une aventure industrielle prometteuse, qui devrait changer le visage du transport ferroviaire français.

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