L’année 2015 était celle des résolutions et des promesses : l’Inde voulait s’engager dans une révolution énergétique profonde, visant à atteindre les 40% d’énergies non fossiles en 2030. Les leviers actionnés avaient été annoncés : un plan éolien courageux, une révolution photovoltaïque, une multiplication des smart cities, une modernisation des réseaux électriques. Moins de deux ans après, force est de constater que ces promesses se traduisent en réalisations concrètes, d’une ampleur et d’une rapidité inégalées.

« La prise de conscience de l’importance de l’environnement ne vient pas d’une pression quelconque, ni parce que quelqu’un nous le demande, ni même de l’accord de Paris, mais c’est un acte de foi de la part du gouvernement qui est dans notre intérêt. ». Cette déclaration du ministre indien de l’énergie, Piyush Goyal, en février 2017, résonne encore quand Donald Trump, au moment de quitter l’accord de Paris, critique les largesses offertes à l’Inde. Autoriser que le pays multiplie par deux sa production de charbon lui semble choquant.

Un plan de transition énergétique courageux et ambitieux

Comme souvent avec le nouveau pensionnaire de la Maison Blanche, il faut regarder derrière les effets d’annonce. Car si l’Inde a bien été autorisée à augmenter sa production de charbon, elle s’est engagée, également, à réduire de 30 à 35% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, et d’atteindre pour ce faire, à cette date, les 40% d’énergies renouvelables. Des engagements d’une ampleur que les Etats-Unis n’ont jamais effleuré.

L’un des objectifs du gouvernement est de raccorder au plus vite les 300 millions d’Indiens privés actuellement d’électricité, ce qui ne peut se faire sans le charbon, qui est aujourd’hui largement majoritaire dans le mix énergétique indien. Le pays prévoit quasiment un doublement de l’électricité consommé entre 2015 et 2030, la plus forte croissance mondiale en la matière.

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Et dans le même temps, le pays veut réduire ses émissions de gaz à effet de serre, ce qui passe par un abandon progressif du pétrole, notamment pour le secteur du transport et même de l’industrie. L’Inde a annoncé qu’elle n’autoriserait plus à la vente les véhicules essence et diesel à l’horizon 2030.

Un effort sans précédent sur les énergies renouvelables à travers tout le pays

Mais cela passe, avant tout, par un plan d’installation d’énergies renouvelables, et notamment solaire, d’une ampleur inédite au niveau mondial. D’ici 2022 seulement le pays a prévu d’atteindre les 100 GW de production solaire, soit 25 fois plus qu’aujourd’hui.

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Sur la totalité des énergies renouvelables, la puissance installée actuelle est de 57,26 GW ; à l’horizon 2027 elle devrait être de 275 GW.

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La répartition serait la suivante : 52% de solaire, 39% d’éolien, 7% de biomasse et 2% de petite hydraulique. Le plan s’accompagne également d’un doublement de la puissance installée en barrages hydroélectriques et en nucléaire. Et les avancées, en un an et demi, prouvent que l’Inde est partie pour tenir ce pari.

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Rendre le réseau électrique intelligent pour accueillir les énergies renouvelables

Mais pour cela, une modernisation du réseau électrique est indispensable, raison pour laquelle l’Inde a décidé d’investir massivement dans les smart grids et les smart cities. Sur la période 2017-2027, 44,9 milliards de dollars seront consacrés à la modernisation du réseau électrique. Une vaste étude du Northeast Group détaille ces investissements pharaoniques, qui vont profondément changer l’acheminement d’électricité en Inde.

Des millions de compteurs intelligents et de capteurs seront installés, fournis par des industriels locaux. Dans les zones sans électricité, le réseau sera construit ex nihilo comme un smart grid. L’idée est d’adapter la fourniture d’électricité à l’intermittence du solaire et de l’éolien, tant au niveau des particuliers que des industriels.

Les détails seront décidés au sein de chaque Etat, puisque le réseau est mis en place, en Inde, au niveau de cette juridiction, et que les besoins et contraintes peuvent varier d’un Etat à l’autre.

Mettre en place des smart cities

Parallèlement à cet ambitieux plan, l’Inde va poursuivre la mise en place de son India Smart Cities Challenge, démarré en juin 2015. Doté d’un budget de 15 milliards de dollars, il ambitionne développer 100 Smart Cities sur l’ensemble du territoire tout en réhabilitant 500 autres villes. En Inde, un projet de Smart City n’implique pas forcément, comme en Europe ou aux Etats-Unis, une connectivité et de nouvelles technologies : il s’applique à moderniser par des outils numériques connectés l’accès aux biens de première nécessité.

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Dans le détail, la smart city indienne se centre sur 10 objectifs concrets : 1. l’approvisionnement en eau pour tous ; 2. le raccordement au réseau électrique de l’ensemble des bâtiments ; 3. un traitement des déchets moderne et efficace ; 4. une valorisation des transports publics et de la mobilité urbaines ; 5. des prix de logement abordables ; 6. des télécommunications de qualité ; 7. une participation citoyenne à la gestion de la ville ; 8. un cadre de vie durable ; 9. une sécurité renforcée pour les habitants ; 10. un accès à la santé et l’éducation de bon niveau.

Une politique de grands travaux : l’exemple de Pondichéry

A Pondichéry, par exemple, un plan d’aménagement de 100 millions d’euros a été décidé. Le plus gros chantier concernera la réhabilitation du canal au cœur du centre-ville, pollué par les eaux rejetées clandestinement par les immeubles avoisinant. Un réaménagement, de nouvelles stations d’épuration, un meilleur traitement des eaux pluviales va permettre la mise en place d’un véritable « corridor écologique » au cœur de la cité.

D’un point de vue énergétique, l’ensemble du réseau électrique va être remplacé et rénové : plus 1 550 km de lignes électriques seront enterrées sous la ville, en même temps qu’un nouveau réseau de fibre optique – qui permettra à l’ensemble des habitants de bénéficier d’un Internet haut débit. La modernisation du réseau électrique rendra possible l’accueil des énergies renouvelables produites à proximité de la ville. Pour optimiser la gestion de l’énergie, 31 000 compteurs communicants vont être installés chez des particuliers, pour piloter efficacement ce réseau en temps réel.

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Du coté de l’énergie, des panneaux solaires seront installés sur la majorité des bâtiments publics. Des économies seront effectuées en remplaçant l’éclairage public par des LED ; l’usage de la voiture individuelle sera limité en développant un réseau efficace et électrique de transports en commun – tout en incitant vélos et piétons à réinvestir le centre-ville par l’aménagement de pistes cyclables et la rénovation des trottoirs.

Cet exemple donne l’ampleur de la politique de grands travaux mis en place par l’Inde, pour devenir, en quelques années, un modèle de transition énergétique réussie. Les moyens et la volonté politique étant là, ces plans devraient être couronnés de succès et faire de l’Inde une nation moteur dans une approche durable et responsable de l’énergie et de l’urbanisme.

 

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