Google vient de s'offrir la start-up Nest, fabricant de thermostats intelligents et de détecteurs de fumée, pour 3,2 milliards de dollars cash. Sa troisième plus grosse acquisition après Motorola (2012) et DoubleClick (2008), entreprises chinées respectivement pour 12,5 et 3,24 milliards de dollars. Le géant de Montain View affiche ce faisant son souhait de peser dans le secteur de la "maison intelligente", et d'ajouter sa pierre à l'édifice des smart grids.

A l'annonce du rachat de Nest par Google, les premières réactions sont dubitatives. Nest est connue outre-Atlantique pour deux produits phares : un thermostat connecté, enregistrant les habitudes des habitants d'une maison, et adaptant la température des pièces en fonction ; et un détecteur de fumée intelligent, prévenant avant de sonner, pilotable d'un claquement de doigts, et décelant le monoxyde de carbone avec une acuité folle. Le tout, thermostat et détecteur, est bien entendu ouvert à l'interaction à distance via smartphone.

Bref, sachant cela, on comprend l'accueil plutôt glacial d'une partie de l'opinion, qui n'hésite pas à conclure que la motivation première de Google est ici de pénétrer l'intimité des foyers. Si le business model du moteur de recherche consiste à l'origine à tracker nos habitudes sur le net pour cibler au mieux la publicité, la tentation est forte de le soupçonner de vouloir déporter cette collecte de données IRL. On sera toutefois un peu rassuré en apprenant que Matt Rogers, l'un des deux fondateurs de Nest, a écrit sur son blog : "Notre politique en matière de vie privée limite clairement l’utilisation des informations relatives aux usagers à l’utilisation et l’amélioration des produits et services de Nest. Nous avons toujours considérés sérieusement la vie privée et cela ne changera pas."

Quand bien-même. A quoi bon collecter des données sur les faits et gestes des habitants d'une maison, si ce savoir ne se traduit pas en publicité ? Pour affiner encore davantage le ciblage des campagnes web ? Mouais. On voit mal comment. Google, en ajoutant Nest à son tableau de chasse, n'a pas probablement pas souhaité faire un pas en avant dans le sens du voyeurisme, mais simplement s'inscrire en avant garde d'un business prometteur : celui de l'Internet des objets. Une manne qui, selon les prévisions du cabinet McKinsey, devrait créer entre 2 700 et 6 200 milliards de dollars de valeur ajoutée à l'économie mondiale d'ici 2025.     

La domotique, c'est bien, le marché est prometteur, mais c'est aussi dans une certaine mesure une porte d'entrée vers un système de gestion de la consommation d'énergie : les smart grids. On aurait tort de ne pas déceler dans l'investissement de Google un intérêt direct pour ce marché émergent.  

Premières briques des réseaux intelligents, les objets domestiques connectés ont aussi pour vocation de permettre des économies d'électricité. Le thermostat intelligent de Nest en est une bonne illustration, puisqu'il offre en moyenne des économies d'énergie de l'ordre de 20% à ses utilisateurs. En France, la greffe a pour l'instant du mal à prendre, même si l'installation prochaine de 35 millions de compteurs communicants, qui permettront de brancher un système de pilotage des appareils électriques à distance, devrait elle aussi infléchir à la baisse les factures d'électricité. 

Google, en s'amarrant à Nest, profite des technologies de la start-up, oui, mais fait surtout tomber dans son escarcelle Nest Energy Services, la plateforme de gestion des partenariats avec les producteurs et distributeurs d'énergie des quatre coin des Etats-Unis. En clair, la firme de Montain View se rapproche ainsi de tous les acteurs de l'énergie qui comptent de l'autre côté de l'Atlantique.

A bien y regarder, ce n'est d'ailleurs pas la première fois que Google fait un saut dans le monde de l'énergie. On se souvient en effet que la firme a perfusé des fonds pour un total de 300 millions de dollars dans des entreprises de fabrication de panneaux photovoltaïques à l'usage des particuliers, afin de contribuer à aider ces derniers à diminuer leur facture, et à avoir davantage recours aux énergies renouvelables. Si ces investissements à répétition n'ont pas encore porté leurs fruits, ils constituent un pari sur l'avenir pour le géant californien, qui place de plus en plus de billes sur les smart grids. A défaut de positionnement clair sur le sujet pour le moment, la firme se ménage des ouvertures, jette des ponts tous azimuts. Affaire à suivre avec attention, donc.

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.