L’étude de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) sur les évolutions du secteur de l’énergie nous a montré l’indispensable transformation des métiers de gestionnaire réseau pour répondre à des mix électriques de plus en plus renouvelables. La décentralisation de la production d’électricité imposera également une généralisation des solutions de stockage, des micro-grids et une révision profonde de la dichotomie production / consommation d’électricité.

La première partie de notre analyse de l’Etude sur les perspectives stratégiques de l’énergie de la CRE, nous a montré que les mix électriques, notamment dans les pays industrialisés, allaient accueillir jusqu’à 80% de renouvelables : ces mix fortement décarbonnés nécessitent une refonte profonde du secteur électrique et du métier de gestionnaire réseau, notamment pour développer et accueillir une plus grande flexibilité.

D’une architecture de réseau descendante à des grappes de micro-grids

L’architecture des réseaux électriques sera également profondément bouleversée par ces mutations, abandonnant une logique descendante au profit d’un modèle articulant des grappes de micro-grids.

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« Grâce à l’association production renouvelable distribuée et stockage par batteries co-localisé, des microgrids permettant d’assurer localement l’approvisionnement des quartiers se développeront de façon rentable là où les conditions économiques et réglementaires le permettent  » affirme le rapport de la CRE.

Les micro-grids ont également l’avantage d’avoir une résilience supérieure aux événements climatiques extrêmes, qui leur permettra de s’imposer dans de nombreuses régions à risque malgré un coût plus élevés.

Une indispensable connexion des micro-grids au réseau principal

La CRE prévoit également que dans les pays ne disposant pas encore d’un réseau électrique national couvrant l’ensemble du territoire, l’électrification devrait se développer sur la base de ces micro-grids, associant sources d’énergie renouvelable, pilotage intelligent et solution de stockage, progressivement connectés entre eux.

Pour autant, dans le modèle final des réseaux électriques de demain, ces micro-grids resteront connectés au réseau principal afin de bénéficier des échanges avec ce dernier, en cas de pics de production ou de demande. Feront exception les systèmes isolés, les régions sans réseau fiable ou les phases de développement de l’électrification, notamment en Afrique.

Vers des consomm’acteurs souvent producteurs d’énergie !

L’émergence de ces nouveaux modèles permettra selon la CRE de dépasser l’opposition consommateur / producteur : les consommateurs pourront prendre le contrôle de leur approvisionnement énergétique et de leur consommation, devenant de véritables consomm’acteurs.

Le consommateur particulier ou PME sera de plus en plus souvent auto-producteur (plusieurs millions dans chacun des grands pays européens, France, Allemagne, Italie, Espagne, Royaume-Uni). Le consommateur pourra également se procurer de l’électricité locale via des plateformes de peer-to-peer, « lui permettant de sélectionner à son gré l’énergie provenant d’actifs de production identifiés et localisés (logique de circuits courts) et/ou de vendre sa propre production excédentaire ».

Pour les grandes entreprises, la CRE prévoit une généralisation des contrats d’achat long terme directs avec des producteurs d’énergie renouvelable (PPA) dans les pays développés. Au niveau de l’industrie, le rythme de la conversion à l’électricité renouvelable devrait lui aussi s’accélérer.

L’émergence du stockage massif par batterie

L’un des grands agents de la flexibilité au cœur de ces nouveaux réseaux sera le stockage de l’électricité, notamment par batterie, qui permettra de stabiliser les systèmes électriques décarbonnés avec une haute proportion d’énergies intermittentes.

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Le stockage permet en effet de conserver les surplus de la production d’électricité intermittente pour les utiliser quand la production est plus faible et la demande toujours forte – par exemple durant la pointe du soir. La CRE prévoit que le stockage massif s’imposera, notamment via les batteries de véhicules électriques, grâce à la baisse des coûts, similaire à celle que la photovoltaïque a connu.

Un avènement de l’hydrogène ?

La CRE envisage également l’avènement de l’hydrogène comme solution de stockage massive : « à long terme, sous réserve d’une décroissance des coûts, l’hydrogène pourrait devenir un vecteur important dans les systèmes énergétiques, permettant de stocker l’énergie ou de la déplacer de zones à coûts de production favorables pour le renouvelable vers les zones de consommation ».

Rappelons que l’hydrogène n’est pas une source d’énergie, mais la transformation de l’électricité en une énergie stockée et qui peut dégager de la chaleur (ou, à nouveau, via une pile à combustible, de l’électricité) : en terme énergétique, la puissance fournie par de l’hydrogène est toujours, à l’origine, issue d’une source électrique – et, dans le futur que propose la CRE, une source renouvelable.

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L’avantage de l’hydrogène est qu’il permet de stocker de l’énergie dans des bonbonnes, moins lourdes et volumineuse que celles de gaz naturel, sans limite de temps. Dès que la technologie sera mature, notamment en terme de coût, elle pourrait apporter une réponse complémentaire aux batteries pour absorber les surplus d’énergies renouvelables produites et la stocker sur des durées plus longues.

La CRE envisage également que l’hydrogène puisse devenir une solution viable en terme de mobilité – de très nombreuses expérimentations dans ce sens sont en cours.

Le gaz aura toujours son mot à dire

Et si la CRE envisage une sortie progressive du charbon et du nucléaire en Europe, elle prévoit que les infrastructures gazières continueront de jouer un rôle important dans le secteur de l’électricité, pour plusieurs raisons :

  • une substitution vers le gaz « vert »
  • la croissance des usages mobilité
  • une contribution du gaz restant importante pour le passage de la pointe hivernale en complément de l’électricité décarbonée.

Pour autant, la demande en gaz devrait fortement baisser, si bien que la CRE recommande de geler tout nouvel investissement dans des infrastructures gazières, à l’exception de celles permettant le développement du gaz vert ou assurant une sécurité d’approvisionnement.

Rendez-vous demain pour conclure notre analyse, en évoquant les évolutions réglementaires recommandées par la CRE et le nouveau paysage du secteur de l’énergie qui en découlera.

 

1 COMMENTAIRE

  1. Concernant l’hydrogène, je voudrais ajouter quelques éléments. Certes, il se stocke mais il peut aussi se transporter par pipeline. Air liquide possède des centaines de kilomètres de pipes d’hydrogène notamment dans la vallée de la Ruhr en Allemagne. Pour intégrer ce transport dans votre analyse, il faut se figurer un réseau de transport d’hydrogène indépendant du gaz et de l’électricité mais capable d’interférer avec ces autres réseaux (également le réseau routier) par l’intermédiaire de techniques de conversions (Sabatier pour produire du méthane, turbines, PAC et électrolyse pour l’électricité, systèmes de distribution pour la route).

    Les coûts de l’hydrogène sont très flous voire fluctuants. Plusieurs paramètres influent et on peut comprendre qu’un fournisseur industriel qui vend son H2 à l’industrie depuis 50 ans ne soit pas très enclin à faire baisser ce coût, ni les fournisseurs de services électriques en concurrence ni… quiconque dans ce secteur à dire vrai ! ainsi ce coût sera donné en euro/kWh sans réfléchir plus loin. Pour autant , si on produit le gaz à partir d’électricité achetée au prix normal, il est facile de comprendre que le coût final sera prohibitif à cause des pertes de rendement alors que la production d’hydrogène se prête très bien à l’intermittence et peut dès lors, prétendre acheter son électricité à des prix extrêmement faibles. Bref ! Cette histoire de coût n’a pas du tout le même sens si le prix du courant est encadré par l’état. C’est naturellement vers le Japon et l’Australie qu’il faudra regarder car ces deux pays ont fait de cette question une cause nationale. L’Allemagne sera intéressante également.

    Enfin, il y a une question plus fondamentale que je vous pose de façon abrupte : Etant donné nos objectifs énergétiques, Y a-t-il une alternative sérieuse à l’hydrogène ?

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