Suite de notre analyse de l’étude du cabinet Artelys sur les potentialités de développement des énergies renouvelables en France, grâce aux smart grids et aux solutions de flexibilité, à l’horizon 2030. Place aux résultats escomptés en détail, en terme de mix électrique et d’émissions de CO2.

Après avoir posé, dans la première partie de notre analyse, les scénarios et hypothèses sur lesquelles s’appuient l’étude « Plus propre, plus intelligent, moins cher » du cabinet Artelys, rentrons dans le détail des scénarios proposés, notamment le scénario d’opportunité (OPS), qui suppose un renforcement considérable de la politique en faveur des EnR et des smart grids en France.

Une augmentation insuffisantes des EnR dans le scénario de référence

Le scénario de référence (REF) envisage une augmentation importante de la capacité de production solaire photovoltaïque (+ 20 GW), éolienne terrestre (+ 14GW) et éolienne en mer (+ 13 GW) d’ici 2030, mais qui reste limitée par le manque de flexibilité du système électrique. Historiquement, de nombreux investissements dans les EnR n’aboutissent pas en France, malgré des coûts désormais plus faibles. Le scénario REF envisage par ailleurs 11 GW d’interconnexions électriques supplémentaires entre la France et ses voisins, notamment le Royaume-Uni (4,4 GW), l’Espagne (3,1 GW) et l’Italie (1,2 GW).

En revanche, dans le scénario OPS, une part importante des usages finaux sont rendus pilotables ou intelligents, notamment dans l’industrie, le commerce, les pompes à chaleur et les véhicules électriques. L’ensemble des véhicules électriques sont ainsi dotés de la fonctionnalité de déchargement partiel de leurs batteries sur le réseau en cas de forte demande, qui permet d’augmenter la capacité de stockage d’électricité disponible. De nouvelles solutions de stockage quotidien sont installés sur l’ensemble du territoire.

Grâce aux smart grids et à la flexibilité, 10 GW de demande pilotable en 2030

Grâce à l’ensemble de ces innovations, la demande pilotable atteint ainsi les 10 GW en 2030, qui peut être déplacées dans le temps. Cette flexibilité accrue permet d’intégrer une part plus importante d’énergies renouvelables intermittentes dans le mix électrique : le scénario OPS table ainsi sur 13 GW de photovoltaïque en plus par rapport au REF (soit un +33 GW d’ici 2030) et 25 GW pour l’éolien terrestre (+ 39 GW en tout). En revanche, pour l’éolien en mer, les prévisions du scénario REF restent valables, en raison d’un coût relativement plus élevé de ces technologies.

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Ce scénario permettrait ainsi de déclasser les 3 GW de centrales à charbon restantes ainsi que 20 GW de capacité nucléaire. Mieux, ces fermetures ne nécessiteront pas la construction de nouvelles centrales au gaz, outil classique de flexibilité, ni même le recours à de grandes infrastructures de stockage d’électricité (stations STEP de pompage-turbinage ou grands parcs de batteries électriques).

Plus de photovoltaïque, beaucoup plus d’éolien, moins de nucléaire, fin du charbon

Dans le scénario OPS, les interconnexions, le pilotage des consommations et le recours à des stockages de faible capacité (batteries des véhicules électriques, unités de stockage industrielle ou domestique) suffiront à offrir la flexibilité nécessaires à l’intégration des EnR et répondre aux pointes de consommation électrique – même en période de faible production des énergies renouvelables.

On pourrait ajouter qu’un recours à des solutions de stockage de grande capacité pourrait encore augmenter la flexibilité, et permettre d’anticiper sur une augmentation des renouvelables au-delà de 50% du mix électrique – raison pour laquelle les exclure par principe, comme le fait le scénario OPS, ne nous semble pas forcément pertinent.

Les effets en terme d’émissions de gaz à effet de serre liés à la production d’électricité seraient saisissants : dans le scénario REF, la baisse serait de 40% par rapport aux niveaux de 1990, pour atteindre les 22 MtCO2 (millions de tonnes équivalent CO2), contre 23 MTCO2 aujourd’hui. Le scénario OPS, lui, permettrait une baisse de 61%, pour atteindre 14 MtCO2.

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51% d’électricité renouvelable en 2030, dont 37% de renouvelables intermittents

Au total, le scénario REF présente un état des lieux en dessous des objectifs actuels, avec 65% d’électricité d’origine nucléaire en 2030, et seulement 31% issue des filières renouvelables, dont seulement 10% venant de l’éolien et 7% du photovoltaïque. L’objectif avoué de la France à cette date est un minimum de 40% de renouvelables dans le mix électrique. Fait notable : dans cette optique, la France doublerait ses exportations d’électricité, avec un solde net de 128 TWh d’export, contre 62 TWh aujourd’hui.

En revanche, le scénario OPS permettrait de faire passer le nucléaire en-dessous des 50% de la production électrique, et les renouvelables au-dessus, avec un ambitieux 51% d’électricité d’origine renouvelable, dont 37% provenant des renouvelables intermittentes, éolien et photovoltaïque. Cette réussite est rendue possible par un gain considérable en flexibilité et par un recours beaucoup plus important aux interconnexions internationales.

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         Les interconnexions internationales, un atout pour assurer l’approvisionnement électrique

En effet, dans le scénario OPS, le solde exportateur net de la France en électricité est réduit à 81 TWh ; cela signifie des exportations plus faibles (le réseau étant plus flexible, la surproduction peut être absorbée localement) et des importations plus importantes. Cette dépendance plus forte à l’égard des importations ne doit pas cependant pas être vue comme une menace pour la sécurité de l’approvisionnement français.

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Le rapport souligne à juste titre qu’un « système électrique européen de plus en plus interconnecté, planifié de façon concertée, aboutit à des économies de coûts majeures pour tous les Etats membres et à une augmentation de la sécurité d’approvisionnement à l’échelle régionale, qui permet d’assurer à moindre coût l’adéquation offre-demande à l’échelle nationale ».

Un bon exemple des bénéfices d’une meilleure coopération est les échanges d’électricité avec l’Espagne suivant le scénario OPS : si le solde net entre les deux pays est proche de l’équilibre, ils échangent des volumes considérables d’énergie, dont les flux varient énormément au cours de l’année. En hiver, l’Espagne exporte de l’électricité en France pour l’aider à couvrir ses pics de demande, notamment via le chauffage électrique. En été, les deux pays valorisent leurs sources d’électricité à bas coût : la journée, l’Espagne exporte son électricité solaire, le soir et la nuit la France exporte (dans de plus grandes proportions) son électricité éolienne et nucléaire vers l’Espagne.

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Au final, les deux pays évitent ainsi des recours à de nouvelles sources d’énergie ou de devoir gaspiller ou stocker une électricité produite en surplus.

Ces exemples d’échange sont emblématiques de la volonté de rendre le réseau électrique le plus flexible possible. Pour rendre le scénario OPS possible, un recours massif à de nouvelles flexibilités, permises par les smart grids, est nécessaire. Rendez-vous demain, pour la fin de notre analyse, afin de les découvrir.

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