La France, en se montrant ambitieuse, peut franchir la barre des 50% de renouvelables dans son mix électrique dès 2030 : elle doit pour cela développer la flexibilité de son réseau électrique, grâce à l’apport des smart grids. Suite et fin de notre analyse, centrée sur ces techniques de flexibilité.

Nous avons analysé, dans la première et la deuxième partie de notre étude, les points de départ et les gains offerts par les deux scénarios proposés par l’étude « Plus propre, plus intelligent, moins cher » du cabinet Artelys.

Le premier, le scénario de référence (REF), est une mise à jour des scénarios proposés par l’Union Européenne en 2030. Le second, le scénario d’opportunité (OPS), permettrait, grâce à un pilotage de la demande, à des solutions de stockage locales et une plus forte interconnexion, de porter les renouvelables à 51% du mix électrique français en 2030.

Quelle flexibilité ?

Pour atteindre ce bel objectif, le réseau électrique français doit se moderniser et se convertir aux solutions intelligentes : les smart grids peuvent permettre d’offrir au réseau la flexibilité nécessaire à accueillir 37% d’énergies renouvelables intermittentes dès 2030.

La flexibilité représente la capacité d’adapter la production à la demande ; elle est obtenue :

  • en utilisant des sources d’électricité supplémentaires disponibles « à la demande » (centrales au gaz, au charbon, nucléaire, hydroélectrique), une solution efficace mais lourde, coûteuse et occasionnant des pertes importantes, à cause de l’arrêt et du redémarrage réguliers de ces différentes sources
  • en ayant recours à des solutions de stockage d’électricité à grande échelle (ferme de batteries ou station STEP de pompage-turbinage), une solution là encore assez lourde
  • en pilotant la consommation, c’est à dire en décalant une consommation (effacement) vers une période où l’électricité est produite en surplus, ou en utilisant une unité de stockage permettant de consommer l’électricité locale quelques heures après sa production (par exemple, une batterie dans une usine, qui stocke l’électricité quand elle est abondante, et est déchargée quand l’électricité est peu abondante)

Le pilotage de la consommation, élément clé pour intégrer plus d’EnR

Le pilotage des consommation est également un élément clé pour intégrer davantage d’énergies renouvelables intermittentes. En hiver, il permet de transférer une partie de la demande d’électricité du soir vers la nuit, afin de réduire la pointe hivernale ; en été, la charge peut être décalée des premières heures du matin et du soir vers le milieu de la journée, pour exploiter au mieux la production d’énergies solaires.

« A cet égard, le schéma journalier de pilotage de la consommation des clients résidentiels reflète une adéquation parfaite avec le profil de production quotidienne de l’énergie solaire photovoltaïque. Le pilotage de la consommation peut donc être considéré comme une mesure « sans regrets » car une plus grande élasticité de la demande par rapport aux prix augmente l’efficience du marché et diminue le coût global du système » note ainsi le rapport.

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Une flexibilité offerte essentiellement par le pilotage de la consommation dans le scénario OPS

C’est une différence majeure entre les deux scénarios : dans le scénario REF, les besoins en flexibilité quotidien sont essentiellement assurés par le pompage hydraulique (29%), le nucléaire (30%) et l’hydro-électricité (23%) – le pilotage des consommations ne jouant que pour moins de 5%.

En revanche, dans le scénario OPS, le pilotage des consommations, en faisant notamment appel aux batteries de véhicules électriques comme source électrique d’appoint ainsi qu’à des techniques d’effacement, couvre 60% des besoins de flexibilité quotidiens. Ces techniques sont particulièrement utiles combinées avec une production photovoltaïque.

Ce pilotage permet ainsi de réduire la flexibilité offerte par le pompage, le nucléaire et l’hydro-électricité à environ 13% chacun – ce qui représente des gains importants en terme financier et d’économie d’énergie.

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Concernant la flexibilité hebdomadaire, elle est essentiellement assurée, dans le cas du scénario REF, par le recours au nucléaire, et dans le cas du scénario OPS, comme nous l’avons vu dans la deuxième partie de notre analyse, par les interconnexions.

Les renouvelables pourront, certains jours, écarter le nucléaire du marché

Le rapport d’Artelys analyse également l’équilibre du système électrique au pas de temps de charge qu’induit ce scénario OPS à l’horizon 2030 : il note que les énergies renouvelables intermittentes associées à l’hydro-électricité et au nucléaire garantissent une alimentation fiable en électricité. Mais, à certaines heures, les filières renouvelables peuvent même écarter le nucléaire du marché.

En hiver, le nucléaire et les renouvelables assurent, la majeure partie du temps, l’approvisionnement électrique. Mais, en cas de très forte demande, quand les températures sont très basses et/ou la production renouvelable intermittente faible (du 11 au 13 février sur le graphique), un recours ponctuel à des centrales au gaz peut être nécessaire.

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A l’inverse, en cas de forte production éolienne, qui intervient souvent en hiver, et de demande relativement faible (le 16 et 17 février sur le graphique), la production combinée des renouvelables et du nucléaire dépasse la demande. Si elle ne peut pas être stockée ou exportée, l’effet de préséance économique impose aux centrales nucléaires de réduire leur production au profit des renouvelables, au coût de production plus faible que le nucléaire.

Le phénomène est encore plus marqué en été : certains jours, les énergies photovoltaïques, éoliennes et hydroélectriques couvrent jusqu’à 70% de la demande (sur le graphique le 29 et 30 mai, et, plus encore, les 2 et 3 juin). Dans ce cas, les centrales nucléaires peuvent être contraintes de réduire leur production.

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Globalement, l’utilisation moyenne des capacités nucléaires se chiffrerait à 77% dans le scénario OPS, équivalent à celui du scénario REF, avec pourtant un tiers de puissance nucléaire disponible en moins. Les auteurs du rapport défendent l’idée d’un déclassement progressif du nucléaire au fur et à mesure que le parc renouvelable augmente.

Un scénario vertueux : smart grids et EnR sont notre avenir énergétique !

Plus généralement, le rapport souligne à quel point ce scénario OPS est vertueux : car en plus de réduire les émissions de gaz à effet de serre et d’assurer un approvisionnement tout aussi régulier, il offre une électricité globalement moins chère que dans le scénario REF, y compris en prenant en compte les investissements en sources photovoltaïques et éoliennes et en technologies smart grids.

Après la publication de l’étude de l’AEI Digitalization and Energy 2017, qui présentait les gains conséquents, écologiques, énergétiques et économiques, que pouvaient offrir les smart grids à la collectivité, ce rapport le confirme : ne pas investir massivement dans les smart grids et les EnR est un non-sens.

 

 

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