La France dispose d’un important potentiel éolien, qu’elle peine encore à valoriser, à cause des lourdeurs administratives et des recours de riverains qui ralentissent voire annulent les projets. Le groupe de travail sur l’éolien, missionné par le gouvernement, avance dix propositions pour assurer l’essor de la filière éolienne en France. Analyse.

Nous avons vu, dans la première partie de notre étude, la place que doit prendre l’énergie éolienne dans le mix énergétique français pour atteindre les objectifs de la transition énergétique ; nous avons également évoqué le cadre réglementaire et les enjeux de la filière, ainsi que les freins à son déploiement, essentiellement lourdeurs administratives et recours de riverains contre des parcs éoliens.

Nous allons désormais détailler les dix propositions du groupe de travail « Eolien », missionné par le gouvernement, via son secrétaire d’Etat Sébastien Lecornu, dans son rapport publié en janvier 2018, visant à limiter les effets de ces freins et accélérer le déploiement des éoliennes en France. Ces propositions s’articulent autour de trois grands axes.

Premier axe : gagner du temps, en raccourcissant la durée des recours

Le premier grand objectif fixé par le groupe de travail est de gagner du temps. La majorité des projets éoliens de ces dix dernières années ont en effet accusé des retards allant de quelques mois à plusieurs années. Les projets éoliens français ont une durée moyenne allant de 6 à 8 ans, contre 2 à 4 ans en Allemagne.

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Et l’urgence climatique impose d’aller vite : ces délais paraissent disproportionnés, d’autant qu’ils induisent un retard technologique important pour la filière française, chaque projet mené à son terme utilisant les meilleures technologies disponibles au moment du dépôt d’appel d’offre – donc entre 7 et 9 ans avant. D’où la volonté de  limiter les recours pour accélérer la réalisation des projets.

Supprimer un niveau de juridiction et limiter à deux mois les moyens de recours

Pour ce faire, le groupe de travail propose d’accélérer et simplifier les contentieux relatif aux parcs éoliens terrestre. Partant du constat que 70% des autorisations délivrées font l’objet d’un recours devant les tribunaux administratifs et que la quasi totalité de ces recours sont porté en appel devant la cour administrative, voire en cassation, le groupe de travail propose de limiter les contentieux à un unique niveau de juridiction.

En clair, tout recours pour un projet d’éolien sera porté directement devant une cour d’appel, dont la décision sera définitive et souveraine. Cette suppression d’un niveau de juridiction a déjà été utilisée avec succès par l’Etat pour aider au développement d’une filière, par exemple l’éolien en mer, les grandes surfaces commerciales et les salles de cinéma de plus de 300 places.

La seconde proposition consiste à limiter les moyens de ces recours au bout de deux mois : trop souvent, les parties multiplient les mémoires, analyses, moyens, qui retardent l’instruction et le jugement. Le groupe propose de limiter à deux mois la durée pendant lesquelles des nouvelles pièces peuvent être versées au dossier. Passé ce délai, le contentieux sera jugé quoiqu’il arrive.

Ces deux propositions devraient permettre de considérablement accélérer les recours et ainsi permettre aux projets d’être rapidement fixés sur leur autorisation ou non.

Deuxième axe : simplifier le cadre juridique pour accélérer la mise en service des parcs

Le deuxième axe est de simplifier les procédures et de les rendre plus prévisibles. Là aussi, il s’agit d’aller plus vite, mais cette fois en modifiant le cadre juridique. Ce point s’appuie sur trois propositions.

La première consiste à clarifier les règles pour les projets de renouvellement des parcs en fin de vie, pour permettre de maintenir, voire d’augmenter la puissance installée disponible. Remplacer des éoliennes existantes par de nouvelles plus puissantes pourrait permettre de gagner jusqu’à 5 GW de puissance supplémentaire à l’horizon 2030. L’un des grands enjeux est de déterminer quand ces augmentations de puissance installée nécessitent une nouvelle autorisation, et les cas où une nouvelle demande de ce type n’est pas nécessaire.

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La deuxième est de renforcer la motivation des avis conforme et de réévaluer les zones propices au développement de l’éolien. L’idée est d’assouplir les règles qui limitent l’installation d’éoliennes à proximité de radars, de demander aux préfets de motiver plus fortement leur refus d’avis conforme et de ne pas les généraliser autour des zones problématiques, et d’envisager l’installation d’éoliennes sur des zones où elle était jusqu’ici interdite, en l’occurrence quatre zones d’entraînement aérien.

La troisième proposition consiste à supprimer une procédure jugée peu pertinente et ralentissant considérablement certains projet, à savoir l’approbation d’ouvrage électrique (AOE), qui nécessitait une autorisation pour effectuer des câblages inter-éolien ou des raccordements de parcs éolien à terre et en mer.

Ces trois propositions, si elles semblent particulièrement techniques, devraient grandement accélérer les projets éoliens français, et ouvrir de nouvelles opportunités de fermes éoliennes, dans des espaces jusqu’ici interdits.

Troisième axe : apaiser les relations des projets éoliens avec leur territoire

Enfin, le troisième grand axe de ce rapport est centré sur l’apaisement des relations des projets éoliens avec leur territoire. Il s’agit clairement de la priorité numéro une du groupe de travail, qui a dédié cinq propositions à cette problématique, qui vise à réconcilier la population avec les éoliennes qui l’environnent.

Limiter la gêne visuelle

Le groupe de travail propose ainsi de modifier la réglementation pour que l’éclairage au sommet des mâts éoliens ne soit plus clignotant, mais fixe : cette lumière clignotante est le plus grand désagrément ressenti par les populations, avant même le bruit et l’impact sur le paysage. Passer à un éclairage fixe limiterait cette gêne.

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Autre proposition : demander à l’ADEME de financer et d’accompagner des programmes d’intégration des éoliennes dans le paysage, en collaboration avec des paysagistes ou des écoles de paysage. Car le manque de financement empêche trop souvent les projets de se doter d’une réflexion paysagère, qui permet pourtant de mieux choisir le lieu d’implantation des éoliennes, et limiter, voire annuler la gêne visuelle.

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Plus de retombées économiques pour les communes qui s’impliquent

Le groupe de travail propose également de modifier les règles de répartition de la taxe la plus importante sur les éoliennes, à savoir l’IFER (Imposition Forfaitaire sur les Entreprises de Réseau). Cet impôt représentait, en 2017, 7 400 euros par MW installé, mais dans certains cas, la commune où sont installée les éoliennes ne touche aucune part de cette taxe – alors que les communes d’installation, si elles ne sont pas les seules impactées, sont en général celles qui ont porté le projet et dont les populations subissent le plus de gênes. Le groupe de travail souhaite garantir aux communes d’installation un minimum de 20% des retombées fiscales des parcs éoliens.

Le rapport préconise également d’offrir des bonus financier pour les projets éoliens favorisant le financement participatif provenant de financeurs locaux – car ce type de projet impliquant l’économie locale est toujours mieux accepté par les riverains.

Mieux penser le rapport des collectivités aux projets éoliens

Enfin le groupe propose de créer des documents d’accompagnement pour favoriser la bonne entente entre les porteurs de projets éoliens et les élus et populations locales – à savoir un « guide de bonnes pratiques » entre développeur éolien et collectivité, ainsi qu’un réseau national d’accompagnement des collectivités. Le but est d’impliquer davantage les collectivités dans les projets, dans une démarche à la fois pédagogique et participative.

Bon sens, simplification, ouverture aux populations : le cocktail gagnant ?

L’ensemble de ces dix propositions vise ainsi à fluidifier la création de projets éoliens et à minimiser l’impact des freins existants : l’objectif final est que les futurs appels d’offre du gouvernement débouchent beaucoup plus rapidement sur des parcs éoliens actifs.

Entre bon sens, ouverture vers les populations, volonté de simplifier et de limiter les recours, ce rapport offre un éventail de solutions concrètes, simples, nécessitant peu de dépenses, dont le gouvernement doit s’emparer pour favoriser l’essor, nécessaire, de l’éolien à très grande échelle sur notre territoire.

 

 

 

 

 

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