Polluée par les débats sur sa tenue tardive, son manque de moyens et le risque qu’elle ne soit pas écoutée, la consultation publique sur la révision de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) s’est achevée fin juin par une réunion de clôture en présence de Nicolas Hulot. Les résultats sont sans ambigüité : les Français consultés sont, majoritairement, favorables à ce que la France maintienne le cap de la loi sur la Transition Energétique.

Les critiques ont été nombreuses contre cette consultation publique sur la révision de la PPE, qui s’est achevée fin juin après 100 jours d’échanges. Cette nouvelle mouture de la PPE va fixer le cap suivi par la France pour la période 2019-2028 en terme d’énergie, donner des objectifs, favoriser certaines solutions.

Une consultation publique pour rien ?

La PPE est au cœur de la politique énergétique de la France, elle fixe la feuille de route de la transition énergétique, le rythme de développement des énergies renouvelables et le calendrier de sortie du nucléaire. Autant de sujets qui intéressent profondément les citoyens, et c’est un euphémisme d’affirmer que cette consultation n’a pas été à la hauteur de l’importance du sujet.

En terme de moyens la Commission particulière du débat public (CPDP) disposait d’un budget de 500 000 euros, quand des consultations publiques sur des sujets plus ciblés dépassent régulièrement le million d’euro.

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La Direction générale énergie climat (DGEC), qui doit écrire la prochaine PPE d’ici le 31 décembre 2018, « ne s’attendait pas à ce qu’il y ait un débat », rappelle Jacques Archimbaud, président de la commission PPE à la CNDP. La publicité autour de ce débat est restée assez confidentielle, limitant de fait les participants.

Un débat public déconnecté du calendrier de la DGEC pour la publication de la PPE

En terme de calendrier, le débat public s’est prolongé jusqu’au 29 juin, le rapport complet sera publié en septembre, alors que la première mouture de la PPE sera présenté dans quelques jours, courant juillet. Autant dire que cette première version ne tiendra compte en rien des avis citoyens…

Une autre option aurait été de présenter aux citoyens cette première mouture pour leur demander leur avis, mais la DGEC a préféré lancer des questions générales sur les problématiques énergétiques, n’hésitant pas à ajouter des thématiques en cours de route en fonction des nouvelles mesures gouvernementales (plans habitat et hydrogène, feuille de route pour l’économie circulaire, tarif d’achat de l’électricité issu de l’éolien en mer…).

Mais de nombreux avis ont été recueillis, de connaisseurs ou de béotiens

Mais, malgré tous ces problèmes, cette consultation publique a donné des résultats suffisamment nets et forts pour prouver que l’avis des citoyens, sur cette question, est tranché.

Cet avis a été recueilli via 192 rencontres locales, « des plus institutionnelles aux plus conviviales », avec près de 8 000 participants ; le site Internet du débat a été au cœur du dispositif, avec 45 000 visiteurs uniques et surtout 11 000 réponses à un questionnaire disponible en ligne – des réponses venant majoritairement d’hommes (71,7%), de cadres (56,4%) et de personnes connaissant d’ores et déjà la PPE (52,6%).

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Pour éviter de ne recueillir que l’avis des citoyens avertis et connaisseurs du sujet, la CPDP a tiré au sort 400 citoyens (le G400) qui ont été invités à l’Assemblée Nationale pendant une journée pour participer à un atelier sur la PPE où ils ont eu l’occasion de donner leur avis.

Une envie des citoyens de participer au débat et de respecter l’esprit de la loi sur la Transition Energétique

Nicolas Hulot a résumé la teneur de ces avis, en affirmant que la DGEC avait entendu « l’envie d’être participatif », la nécessité de « travailler avec les territoires », la demande « de plus de clarté, de transparence et de vision ».

Tous les participants estiment ainsi que la France est « plutôt en retard » au regard des objectifs de la loi de transition énergétique, que les consommateurs usagers sont « insuffisamment informés » et que les politiques énergétiques françaises ne sont « ni cohérentes, ni compréhensibles par l’ensemble des catégories », précise la Commission.

Pour autant, les Français sont très attachés à cette volonté de transition énergétique, et tous affirment leur envie de maintenir l’esprit de cette loi. Concernant les énergies renouvelables, si l’hydroélectricité et les éoliennes terrestres demeurent discutées et critiquées, en raison de leur impact local jugé trop fort, les citoyens réclament une accélération des efforts pour la géothermie, le biogaz, les éoliennes en mer et le photovoltaïques, quatre énergies perçues de manière très positives par la population.

Unanimité sur les EnR, clivage sur le nucléaire

Concernant le nucléaire, un clivage se fait sentir au sein de la population. Les citoyens connaissant déjà la PPE sont majoritairement contre les nouvelles fermetures de centrales avant 2028, favorables à de nouveaux EPR et au prolongement de nombreux réacteurs au-delà de 50 ans.

Le G400 et les citoyens ne connaissant pas la PPE pensent tout le contraire, et sont favorables à une sortie du nucléaire la plus rapide possible, « avec des garanties et des mesures claires d’accompagnement des salariés et des territoires » précise Jacques Archambaud.

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« Cet avis citoyen ainsi que les résultats du débat public doivent être retranscrits dans la PPE »

De quoi rassurer les ONG environnementales sur la conscience qu’ont les Français de la nécessité de changer de modèle énergétique : « Les premiers résultats du débat public sont sans appel… et appellent tout simplement au bon sens. La transition énergétique et écologique passe par la baisse des consommations d’énergie (déjà en cours mais qu’il faut accélérer), la sortie du nucléaire et l’essor des énergies renouvelables. Couplées au renforcement de l’efficacité énergétique (avec un peu d’investissements, mais très rentables à long terme) et à une réorientation de la politique des transports (avec une offre de mobilité plus sobre et plus adaptée aux besoins de nos concitoyens), ces mesures permettront de lutter durablement contre le dérèglement climatique, la pollution de l’air et le déclin de la biodiversité » expose un communiqué de France Nature Environnement.

L’ONG réclame de ses vœux que cette position très tranchée des citoyens se retrouve dans une PPE ambitieuse, d’autant qu’elle va dans le sens de l’histoire : « Le fait est que ces réponses collent exactement à l’avis de plusieurs experts de la transition énergétique. Cet avis citoyen ainsi que les résultats du débat public doivent être retranscrits dans la Programmation Pluriannuelle de l’Energie » insiste Michel Dubromel, président de France Nature Environnement.

Une PPE finale nourrie du débat public ou coupée de la société civile ?

Il est à souhaiter, effectivement, que ce débat public, dont le compte-rendu final sera donc publié début septembre, sera bel et bien écouté et utilisé dans la composition de la PPE, et non pas enterré pour laisser place à une pure construction de technocrates et d’experts.

C’est le message qu’a voulu faire passer Nicolas Hulot pendant la réunion de clôture : « J’ai cette cruelle conscience que si cette PPE, ce chemin que l’on va tracer, se fait à l’écart, dans un groupe d’experts, nous aurons manqué l’exercice, alors qu’il y a une fenêtre d’opportunité. J’essayerais d’en être le garant », a déclaré en ouverture le ministre, en pointant notamment le « devoir d’écoute constructive » du gouvernement vis-à-vis de la société civile.

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Reste à savoir si cette voix populaire ambitieuse sera écoutée : « certes, le débat public n’engage pas les décideurs. Mais, si la parole citoyenne n’est pas entendue et reprise, l’exercice aura été vain. Et le débat se radicalisera » note, pas rassuré, Bernard Laponche, physicien nucléaire et porte-parole de l’association Global Chance. Espérons que les mois à venir seront, en la matière, porteurs de bonnes nouvelles.

 

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