En France, les start-up cleantech n'ont pas attendu la COP 21 pour proposer des solutions en énergies propres. Parmi les 509 recensées en 2015 par l'Observatoire des start-up des cleantech, celles spécialisées dans l'énergie connaissent un fort développement économique grâce au soutien des investisseurs et à leurs collaborations avec de grands groupes.

En annonçant la création d'un fonds d'investissement financé par un collectif de 27 milliardaires, Bill Gates a envoyé un signal fort en faveur des cleantech dès l'ouverture de la COP 21. Par ce programme sans précédent baptisé "Breathrough Energy Coalition", l'homme le plus riche du monde a donné le ton de l'urgence à laquelle notre planète est confrontée pour développer des énergies renouvelables, non polluantes et accessibles. « Il faut lutter contre le changement climatique et faire baisser le prix de l'énergie dont les pays les plus pauvres ont besoin », a justifié Bill Gates, qui s'est lui-même engagé à investir deux milliards dans le projet. Sans cacher pour autant que le but final de l'opération est bien d' « accélérer le progrès sur les énergies propres tout en réalisant des profits. »

Au-delà de l'enjeu environnemental, l'intérêt économique des énergies propres a déjà fait son chemin en France, où plusieurs centaines de start-up cleantech se partagent la tâche. Certaines rencontrent déjà un succès considérable, à l'image de McPhyEnergy, qui a levé 52 millions d'euros grâce à son système de stockage d'électricité sous forme d'hydrogène. Fondée en 2008, la start-up grenobloise qui emploie une centaine de salariés est maintenant cotée en bourse et alimente en hydrogène une dizaine de stations-service en Europe du Nord. Comme elle, Forsee Power s'intéresse au marché du stockage d'électricité, mais sur batterie. Créée en 2011, la start-up francilienne compte déjà 200 collaborateurs et prévoit d'entrer en bourse début 2016.

Financements privés, publics et participatifs

À Aix-en-Provence, SunPartner Technologies vient, elle, de lever 8,8 millions d'euros. Son produit : un film intelligent composé de cellules photovoltaïques et de lentilles optiques, qui permet d'économiser l'énergie de la structure sur laquelle il est appliqué. Il peut par exemple augmenter l'autonomie d'un téléphone portable de 20 % ou ajuster l'opacité d'une vitre en fonction de l'ensoleillement pour réduire la consommation en climatisation. Une autre start-up aixoise, SP3H, a elle mis au point un capteur qui scanne le carburant d'un véhicule en temps réel pour optimiser le rendement du moteur. Avec 2,5 millions d'euros réunis l'an dernier, SP3H fait partie des 46 % de start-up cleantech qui ont levé des fonds pour développer leur technologie en 2014 et des 16 % qui ont obtenu plus d'un million d'euros.

Pour compléter ou palier cet apport en capitaux neufs, 72 % des start-up cleantech françaises ont bénéficié d'un financement public en 2014, et 19 % prévoient de faire appel au financement participatif. Elles peuvent notamment présenter leurs projets sur la plateforme Lumo, qui propose aux particuliers d'épargner en finançant la transition énergétique. Qu'il provienne de fonds privés, publics ou collectifs, le financement des start-up cleantech s'avère souvent fructueux : 79 % d'entre elles ont créé au moins un emploi en 2014 ; 64 % envisagent une augmentation de plus de 50 % de leur CA en 2015 ; et 5 % prévoient une entrée en bourse en 2015 ou en 2016.

EDF fait confiance à l'open innovation

Preuve de l'intérêt économique des énergies propres, 56 % des start-up cleantech françaises ont travaillé en collaboration avec de grands groupes en 2014. À Cestas, près de Bordeaux, Neoen s'est associé à plusieurs partenaires industriels (Eiffage-Clemessy, Schneider Electric et Krinner) pour réaliser la plus grande centrale solaire d'Europe inaugurée le 1er décembre 2015. Financée à hauteur de 360 millions d'euros, elle devrait fournir le tiers de la production électrique d'une centrale nucléaire, soit l'équivalent de la consommation domestique annuelle d'une ville de 300 000 habitants comme Bordeaux.

Spécialisée dans les smart grids, ForCity a elle convaincu Veolia d'exploiter son système de modélisation urbaine pour optimiser le rendement les futurs évolutions urbaines en termes d'énergie, de transport ou encore de gestion des déchets. Créée en 2014, la start-up lyonnaise a récemment développé une maquette numérique pour Hong-Kong et plancherait sur les villes de Lyon, Lille, Paris et Dubaï. Et les autres exemples de collaborations entre grands groupes et start-up cleantech ne manquent pas, comme entre Alstom et Enogia, qui récupèrent la chaleur des gaz d'échappement ; Suez Environnement et Cogebio, qui produisent du gaz propre à partir de biomasse ; ou encore le groupe japonais SKWID et Nénuphar, qui installent des éoliennes flottantes en mer.

Pour encourager le développement des cleantech, EDF organise depuis 2014 les Prix EDF Pulse, qui récompensent cette année les start-up et PME européennes les plus innovantes dans les catégories "Habitat connecté", "E-santé" et "Ville bas carbone". Les projets lauréats reçoivent chacun une dotation de 100 000 euros et bénéficient d'une campagne de communication en France et en Europe. De quoi permettre à de nouvelles pousses de faire fructifier l'énergie qui les entoure, d’autant que l’énergéticien s’est par ailleurs doté d’un fonds de 90 millions d’euros, nommé Electranova et destiné à irriguer en capitaux de jeunes start-up prometteuses. Une façon d’encourager l’innovation, tout en s’assurant « de comprendre les évolutions et les nouveaux modèles qui émergent dans l’énergie », selon Bernard Salha, directeur R&D du groupe. 

Dernièrement, grâce à Electranova et à Bpifrance, le groupe français Techniwood, fabricant de panneaux de construction industriels composite bois/isolant biosourcé, levait ainsi 11 millions d’euros. Mais EDF se tourne également vers les start-up internationales. Un peu plus tôt dans l’année, c’est la société américaine First Fuel, spécialisée dans l’efficacité énergétique via l’analyse des données de consommation des bâtiments, qui recevait un coup de pouce d’Electranova. Si l’on tient compte de ses autres fonds dédiés, l’énergéticien français s’est déjà intéressé à plus de 1 000 start-up innovantes dans le monde. Preuve que la concurrence vient de partout, et que le secteur cleantech est plus dynamique que jamais. Preuve aussi et surtout que le tournant vert engagé par les grandes entreprises et la communauté internationale n'a rien d'une opération de greenwashing de vaste envergure, mais se manifeste concrètement par le bourgeonnement et l'éclosion d'un éco-système durable. 

Tribune proposée par Alexandre Toussaint

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